SCREEN CITY_STRASBOURG
Alessia Sanna, Screen City_Strasbourg, projecteurs, enceintes, 10 000 unités de plâtre, 250 x 350 cm, Le 5e Lieu, Strasbourg, Ososphère!, 2022.
Proposée autour d’une mise au point sur la ville de Strasbourg Screen City rapporte une vision à la fois émerveillée, mais inquiète, sur l’inévitable croissance des populations urbaines. Cette œuvre met à l’épreuve l’espace métropolitain et tente de mesurer la résilience de la ville avant qu’elle ne devienne surpeuplée. Sublimés par une lumière teintée de bleu, ces milliers d’édifices, tantôt façades, tantôt écrans, deviennent alors une interface de visualisation produisant le reflet de la vie urbaine. Gravitant autour de l’œuvre, à l’exemple d’un satellite, le spectateur assiste à l’animation de la ville rendue visible par la transformation des données en pollution lumineuse.
Inspiré des phénomènes de pollution lumineuse, le mapping réalisé pour Screen City_Strasbourg est le résultat de la conversion de données en signaux lumineux, dont le récit poétique traite de l’hyper croissance de la ville. L’exploration de jeux de données tels que le RIL, permet alors de recréer une répartition géographique des constructions et des logements par année. L’exploitation de ce type de jeu de données effectuée depuis 2021 par Alexandre Weisser, se concentre donc d’une part sur la spatialisation, mais également sur la dimension temporelle des data. Le RIL étant composé de valeurs comprises entre 1850 et 2018, ces dernières ont ainsi pu être extrapolées jusqu’à 2100 et retranscrites sous forme de points lumineux. Les scénarios rejoués dans le mapping reposent en ce sens sur les données dont nous disposons actuellement, avant de devenir des probabilités. Imaginé sous forme de boucle de 50 minutes, le mapping se compose ainsi de dix itérations, où les données extrapolées suivent au cours de leurs différents cycles une transformation : le nombre de bâtiments érigés augmente de 10 % entre chaque tableau.
Composées de plus de 10 000 moulage en plâtre, d’un mapping vidéo et d’un environnement sonore, Screen City_ Strasbourg porte une vision poétique sur la ville et ses transformations dictées par les jeux de données. Inspiré par l’imagerie satellitaire, ce paysage architectural, tantôt façades, tantôt écrans, simule une vue aérienne, depuis laquelle s’activent les traces d’activités humaines. D’Yves Klein aux Blue Screen of death, cette expression sensible de la data se découvre au fil de scénarios dont les détails se précisent et se gomment à mesure du temps. D’itérations en itérations, la pollution lumineuse émanant de la surface de projection livre un récit ambivalent, à mi-chemin entre le sublime et l’inquiétant. Dans ce processus de production, une matrice est tout d’abord imprimée en 3D, avant d’être moulée en silicone. Cette manipulation permet le tirage de sculptures en plâtre variant de 1,7 à 8,5 cm de hauteur. Ces volumes représentent des données de densité de population issues de l’INSEE catégorisées par valeurs. L’installation se déployant au sol, cette proposition suit donc un montage rigoureux , respectant minutieusement un carroyage chromatique reprenant la répartition du nombre d’habitants sur le territoire. Plus de 10 000 modules sont ainsi installés in situ, couvrant à ce jour une surface de 12m². Répartis sur le sol, ces micro-édifices forment une pluralité d’îlots et de dorsales, en corrélation avec le plan de zonage territorial. La silhouette et les artères de la ville sont alors conservées et la hiérarchisation des modules sur la carte est ainsi définie. Une grande précision dans l’assemblage est nécessaire, car sur cette masse compacte, se juxtapose un mapping vidéo (5), dont le visuel est directement créé à partir des données géolocalisées. Réalisé par l’artiste sonore Stéphane Clor , l’enregistrement phonique aux quatre coins du sommet de la Cathédrale constituait ainsi le socle audio de Screen City_Strasbourg. Ce Field recording est utilisé en harmonie avec le traitement informatique et sculptural, de sorte à s’altérer en fonction de l’apparition des données visibles dans le mapping. Cette dégradation se constate par la destruction de l’enregistrement, dont les consonances glitch se synchronisent avec le nombre de bâtiments érigés. En somme, la composition sonore se crée de manière générative, au rythme de la projection vidéo. Plus la ville est saturée, plus le son est lissé. Diffusée sur quatre enceintes réparties dans les quatre coins de la salle d’exposition, la dimension sonore de l’œuvre s’inscrit dans la même logique programmationnelle que la sculpture et le mapping.
Faite à la main, la sculpture a demandé :
10 000+ tirages en plâtre à partir de moules en silicone
1 matrice imprimée en 3D pour fabriquer les moules
12 m² de surface couverte par l'installation au sol
Un carroyage précis respectant le zonage INSEE
10 cycles de scénarios visuels dans le mapping vidéo
1 mapping vidéo de 50 minutes extrapolant les données jusqu’en 2100
Projet soutenu par la Région Grand-Est
Dispositif AMI création numérique
Festival Ososphère
Le 5e Lieu
